Fiche de lecture
L’œuvre d’art à l’ère de la reproductibilité technique
Walter Benjamin ; Folio 1935
Avant propos « … création, génie, valeur d’éternité et mystère … concepts dont l’application incontrôlée (et pour l’instant difficile à contrôler) conduit à l’élaboration des données de fait dans un sens fasciste. »
Procédés techniques de reproduction
Voir AURA
reproduction = disparition de l’aura
(N’est pas une tentative de visualiser (retrouver) l’aura en utilisant à outrance le découpage en contour progressif avec les programmes de retouche d’image ?)
p.96
p. 98
innaprochable
p.100
p.105
p.114
p.118
• Cet “aura”, dont Walter Benjamin déplorait la fuite pour cause de “reproductibilité technique”, ne s’est pas envolée comme il le craignait, mais personnalisée. Nous n’idolatrons plus les œuvres mais les artistes. Le monde symbolique aussi a horreur du vide : quand son œuvre se referme sur elle-même comme une huitre, c’est l’artiste qui devient un hiéroglyphe ambulant, dépositaire des lourds secrets de sa vie, jamais clairement dévoilés. Beuys, Yves Klein, Warhol - sans même parler des imagiers réellement opérationnels de notre temps, Welles, Fellini et les autres : porte-clefs arpentant à perte de vue des couloirs de poertes closes. Désacralisation de l’image, sacralisation du fabicant d’images ont avancé au même pas, tout au long du XXe siècle. Le sacré monstrueux, en ce sens, c’est le monstre sacré. p 85
p 170- 172 Walter Benjamin ... « L’œuvre d’art à l’ère de sa reproductibilité technique ». Walter Benjamin s’y montrait moins triomphaliste (…). Devenue reproductible par les procédés photosensibles, mécaniques et industriels, l’œuvre d’art, disait-il, va perdre sa valeur cultuelle, sacrifiée à ses valeurs d’exposition. Les techniques de reproduction profanent le sacré artistique parce que les créations de l’esprit ont une quantité de présence unique, liée à l’ »ici et maintenant » d’une apparition originale. « En multipliant les exemplaires, elles substituent un phénomène de masse à un événement qui ne se produit qu’une fois. » L’inapprochable beauté va s’abîmer dans la promiscuité du produit médiatique ; l’aura de l’art, qui est « l’unique apparition d’un lointain » se perdra avec l’unicité ? (la reproduction) de l’œuvre. A trop se rapprocher des hommes, les images perdront toute autorité. (…)
Benjamin a eu l’immense mérite de faire rétroagir les conditions de transmission sur la création artistique, comme le montre sa petite histoire de la photographie de 1931. Mais, prêtant peu d’attention aux origines des « beaux-arts », il semble faire sienne l’illusion continuiste de l’histoire officielle de l’art. Ainsi a-t-il pu confondre deux époques, deux régimes du regard : l’ère des idoles et l’ère de l’art (voir tableau p. 292-293). Son aura, en fait, n’appartient qu’à la première. Les qualités de présence réelle, d’autorité et d’immédiate incarnation dont il redoutre la perversion industrielle, c’est cela même dont l’œuvre d’art s’est dépouillée à la renaissance, sans attendre le « reproduction mécanisée ». La photo ajouta seulement un troisième degré à un deuxième. Ce n’est pas l’art qui est apparition et « présentification de l’invisible », c’est l’idole (l’icône). Cette dernière seule relève d’une théologie, dont l’esthétique, dès le départ, porte, est le deuil. La sécularisation des images n’aurait donc pas commencé au XIXè siècle mais au XVe. Beaucoup d’envolées de Malraux et de lamentos de Benjamin proviennent-ils d’une erreur de chronologie ? Une plus fine périodisation du temps des images auarait peut-être évité un beau suicide allemand, un beau délire français. Ne regrettons rien : la beauté du siècle en aurait pâti.
p 178 Chaque nouvelle technique crée un nouveau monde ...
P10 : Les images qui mentent : Laurent Gervereau
L’œuvre d’art à l’ère de la reproductibilité technique
Walter Benjamin ; Folio 1935
Avant propos « … création, génie, valeur d’éternité et mystère … concepts dont l’application incontrôlée (et pour l’instant difficile à contrôler) conduit à l’élaboration des données de fait dans un sens fasciste. »
Procédés techniques de reproduction
- Fonte et empreint (grecs)
- Gravure sur bois
- Imprimerie
- Cuivre et eau forte
- Lithographie (pierre) [“Le dessin illustre désormais l’actualité”]
- Photographie [“Si la lithographie contenait virtuellement le journal illustré, la photographie contenait virtuellement le cinéma parlant]
« A la plus parfaite reproduction, il manque toujours quelque chose : l’ici et le maintenant de l’œuvre d’art, — l’unicité de sa présence au lieu où elle se trouve.Voir p 72 “Commentaires sur la société du spectacle” Guy Debord 1988
L’ici et le maintenant constitue ce qu’on appelle son authenticité. »
« Le jugement de Feuerbach, sur le fait que son temps préférait « l’image à la chose, la copie à l’original, la représentation à la réalité », a été entièrement confirmé par le siècle du spectacle, et cela dans plusieurs domaines où le XIXème siècle avait voulu rester à l’écart de ce qui était déjà sa nature profonde : la production industrielle capitaliste. C’est ainsi que la bourgeoisie avait beaucoup répandu l’esprit rigoureux du musée, de l’objet original, de la critique historique exacte, du document authentique. Mais aujourd’hui, c’est partout que le factice a tendance à remplacer le vrai. À ce point, c’est très opportunément que la pollution due à la circulation des automobiles oblige à remplacer par des répliques les chevaux de Marly ou les statues romanes du portail de Saint-Trophime. Tout sera en somme plus beau qu’avant, pour être photographié par les touristes. »
« … Sans tromper mes éventuels collectionneurs, la solidité de mon œuvre repose ailleurs que dans la durabilité du prototype (pièce unique). J’insiste sur ce point : une création n’est juste qu’au moment de son achèvement. Le temps dépose une patine sur l’œuvre et la fausse ; seule la recréation à partir des bases de constantes notées permettra de connaître le sentiment et la pensée exacte du créateur. J’autorise les jeunes peintres à recréer mes planches en d’autres formats, avec d’autres matériaux. »p.51Victor Vasarely (1953)
« D’autre part, la technique peut transporter la reproduction dans des situations où l’original lui-même ne saurait jamais se trouver. Sous forme de photographie ou de disque, elle permet surtout de rapprocher l’œuvre du spectateur ou de l’auditeur. La cathédrale quitte son emplacement réel pour prendre place dans le studio d’un amateur,… »p.92
« Ce qui fait l’authenticité d’une chose est tout ce qu’elle contient d’originairement transmissible, de sa durée matérielle à son pouvoir de témoignage historique. Comme ce témoignage même repose sur cette durée, dans le cas de sa reproduction, où le premier élément échappe aux hommes, le second — le témoignage historique de la chose — se trouve également ébranlé. Rien de plus assurément, mais ce qui est ainsi ébranlé, c’est l’autorité de la chose. »p.96 l’aura d’une œuvre d’art authentique
Voir AURA
reproduction = disparition de l’aura
(N’est pas une tentative de visualiser (retrouver) l’aura en utilisant à outrance le découpage en contour progressif avec les programmes de retouche d’image ?)
p.96
note N°1 « En définissant l’aura comme « l’unique apparition d’un lointain, si proche qu’il puise être », nous avons simplement transposé dans les catégories de l’espace et du temps la formule qui désigne la valeur culturelle de l’œuvre d’art. Lointain s’oppose à proche. Ce qui est essentiellement lointain est l’innaprochable. En fait, la qualité principale d’une image servant au culte est d’être innaprochable. Par nature même, elle est toujours « lointaine, — si proche qu’elle puisse être ». On peut s’approcher de sa réalité matérielle, amis sans porter atteinte au caractère lointain qu’elle conserve une fois apparue. »Voir : La société du spectacle Guy Debord article N° 10
p. 98
« Mais, dès lors que le critère d’authenticité n’est plus applicable à la production artistique, toute la fonction de l’art se trouve bouleversée. Au lieu de se reposer sur le rituel, elle se fonde désormais sur une autre forme de praxis : la politique.lointain proche
innaprochable
p.100
« Dans l’expression fugitive d’un visage d’homme, les anciens photographes font place à l’aura, une dernière fois. »p.105
« … l’ensemble d’appareils qui transmet au public la performance de l’artiste n’est pas tenu de la respecter intégralement. »description d’un fait
p.105
« Il y a là une situation qu’on peut caractériser ainsi : pour la première fois — et c’est l’œuvre du cinéma — l’homme doit agir, avec toute sa personne vivante assurément, et cependant privé d’aura. Car son aura dépend de son ici et de son maintenant. Elle ne souffre aucune reproduction. Au théâtre, l’aura de Macbeth est inséparable de l’aura de l’acteur qui joue ce rôle, telle que la sent le public vivant. La prise de vue en studio a ceci de particulier qu’elle substitue l’appareil au public. L’aura des interprètes ne peut que disparaître — et, avec elle, celle des personnages qu’ils représentent. »p.112
« Le caractère du cinéma, qui s’oppose si nettement à celui du théâtre, conduit à des conclusions encore plus fécondes si on le compare à celui de la peinture. Il faut ici nous demander quel est le rapport entre l’opérateur et le peintre. Pour répondre, qu’on nous permette de recourir à une comparaison éclairante, tirée de l’idée même d’opération telle qu’on l’emploie en chirurgie.Dans le monde opératoire, le chirurgien et le mage occupent les deux pôles. l’attitude du mage, qui guérit un malade par l’imposition des mains, diffère de celle du chirurgien qui pratique sur lui une intervention. le mage conserve exactement la distance naturelle entre lui et le patient ; ou, pour mieux dire, s’il ne la diminue que très peu — par l’imposition des mains, — il l’augmente beaucoup — par son autorité. Le chirurgien, au contraire, la diminue considérablement — parce qu’il intervient à l’intérieur du malade, — mais il ne l’augmente que peu — grâce à la prudence avec laquelle sa main se meut parmi les organes du patient. Bref : à la différence du mage (dont il reste quelques traces chez le médecin), le chirurgien, à l’instant décisif, renonce à s’installer en face du malade dans une relation d’homme à homme ; c’est plutôt opérativement qu’il pénètre en lui. Entre le peintre et le caméraman nous retrouvons le même rapport qu’entre le mage et le chirurgien. L’un observe, en peignant, une distance naturelle entre la réalité donnée et lui-même, le cameramen pénètre en profondeur dans la trame même du donné. les images qu’ils obtiennent l’un et l’autre diffèrent à un point extraordinaire. Celle du peintre est globale, celle du cameramen se morcelle en un grand nombre de parties, dont chacune obéit à ses lois propres. Pour l’homme d’aujourd’hui l’image du réel que fournit le cinéma est infiniment plus significative, car, si elle atteint à cet aspect de choses qui échappe à tout appareil, — ce qui est bien l’exigence légitime de toute œuvre d’art, — elle n’y réussit justement que parce qu’elle use d’appareils pour pénétrer, de la façon la plus intensive, au cœur même de ce réel. »p.113
« A mesure que diminue la signification sociale d’un art, on assiste dans le public à u divorce croissant entre l’esprit critique et la conduite de la jouissance. On jouit, sans le critiquer, de ce qui est conventionnel ; ce qui est véritablement nouveau, on le critique avec aversion. »Version antérieur du “politiquement correct” ?
p.114
« Or, justement, il est contraire à l’essence de la peinture de fournir matière à une réception collective simultanée, comme ce fut le cas, depuis toujours, pour l’architecture, et, pendant un certain temps, pour la poésie épique, comme c’est le cas aujourd’hui pour le cinéma. »p.117
« Grâce au gros plan, c’est l’espace qui s’élargit ; grâce au ralenti, c’est le mouvement qui prend de nouvelles dimensions. »Voir “les mondes dans les mondes”, les fourmis de Weber, Microcosmos, etc...
p.118
« Depuis toujours, l’une des tâches essentielles de l’art fut de susciter une demande, en un temps qui n’était pas mûr pour qu’elle pût recevoir toute satisfaction. "Breton : “L’œuvre d’art n’a de valeur que dans la mesure où elle frémit des réflexes de l’avenir”
• Cet “aura”, dont Walter Benjamin déplorait la fuite pour cause de “reproductibilité technique”, ne s’est pas envolée comme il le craignait, mais personnalisée. Nous n’idolatrons plus les œuvres mais les artistes. Le monde symbolique aussi a horreur du vide : quand son œuvre se referme sur elle-même comme une huitre, c’est l’artiste qui devient un hiéroglyphe ambulant, dépositaire des lourds secrets de sa vie, jamais clairement dévoilés. Beuys, Yves Klein, Warhol - sans même parler des imagiers réellement opérationnels de notre temps, Welles, Fellini et les autres : porte-clefs arpentant à perte de vue des couloirs de poertes closes. Désacralisation de l’image, sacralisation du fabicant d’images ont avancé au même pas, tout au long du XXe siècle. Le sacré monstrueux, en ce sens, c’est le monstre sacré. p 85
p 170- 172 Walter Benjamin ... « L’œuvre d’art à l’ère de sa reproductibilité technique ». Walter Benjamin s’y montrait moins triomphaliste (…). Devenue reproductible par les procédés photosensibles, mécaniques et industriels, l’œuvre d’art, disait-il, va perdre sa valeur cultuelle, sacrifiée à ses valeurs d’exposition. Les techniques de reproduction profanent le sacré artistique parce que les créations de l’esprit ont une quantité de présence unique, liée à l’ »ici et maintenant » d’une apparition originale. « En multipliant les exemplaires, elles substituent un phénomène de masse à un événement qui ne se produit qu’une fois. » L’inapprochable beauté va s’abîmer dans la promiscuité du produit médiatique ; l’aura de l’art, qui est « l’unique apparition d’un lointain » se perdra avec l’unicité ? (la reproduction) de l’œuvre. A trop se rapprocher des hommes, les images perdront toute autorité. (…)
Benjamin a eu l’immense mérite de faire rétroagir les conditions de transmission sur la création artistique, comme le montre sa petite histoire de la photographie de 1931. Mais, prêtant peu d’attention aux origines des « beaux-arts », il semble faire sienne l’illusion continuiste de l’histoire officielle de l’art. Ainsi a-t-il pu confondre deux époques, deux régimes du regard : l’ère des idoles et l’ère de l’art (voir tableau p. 292-293). Son aura, en fait, n’appartient qu’à la première. Les qualités de présence réelle, d’autorité et d’immédiate incarnation dont il redoutre la perversion industrielle, c’est cela même dont l’œuvre d’art s’est dépouillée à la renaissance, sans attendre le « reproduction mécanisée ». La photo ajouta seulement un troisième degré à un deuxième. Ce n’est pas l’art qui est apparition et « présentification de l’invisible », c’est l’idole (l’icône). Cette dernière seule relève d’une théologie, dont l’esthétique, dès le départ, porte, est le deuil. La sécularisation des images n’aurait donc pas commencé au XIXè siècle mais au XVe. Beaucoup d’envolées de Malraux et de lamentos de Benjamin proviennent-ils d’une erreur de chronologie ? Une plus fine périodisation du temps des images auarait peut-être évité un beau suicide allemand, un beau délire français. Ne regrettons rien : la beauté du siècle en aurait pâti.
p 178 Chaque nouvelle technique crée un nouveau monde ...
in Régis Debray Vie et mort de l’image folio essais 1992
P10 : Les images qui mentent : Laurent Gervereau
W. Benjamin : changement dans la perception du réel par la reproduction industriele et la mutiplication exponentielle des images.. Mais il ne soupçonait pas encore le second grand mouvement à venir : la spacialisation et l’intemporalité. (...)
Aujourd’hui, les nécessités de classification nous incitent à séparer le document matériel, la réalité qui l’a inspiré et la représentation mentale. Las anglos-saxons utilisent d’ailleurs deux mots : image et picture.