Un graphiste breton oublié
par Marc VAYER, le 10 janvier 2009
André Kergoat est né à Clohars-Fouesnant, dans le Finistère, en mars 1921. Son père tenait la scierie du village et sa mère la « maison de commerce », tout à la fois épicerie, mercerie et bureau de tabac.
Il s’engage très tôt dans « la Royale » avant la seconde guerre mondiale mais à l’huere actuelle, on ne connaît pas ses pérégrinations pendant celle-ci. La chronique familiale raconte qu’il a quitté l’armée avant les quinze années de service habituelles.
André Kergoat revient habiter alors chez sa mère, à Ty Creiz, le café, — banquets, repas de noces, soirées dansantes — en face de l’église du bourg.
Il devient représentant de commerce pour des maisons de coutellerie dont la maison « Letang Remy » .
André Kergoat a suivi des cours à l’école des Beaux-Arts de Quimper dans l’atelier de Pierre Toulhoat (prof. de modelage et de céramique de 1951 à 1957), avec entre autres René Quéré, André L’Helguen, Jappé...
A. Kergoat (à gauche)
Bulletin n°6 de l’association des amis de la faïence de Quimper (2 semestre 2007)
Reportage sur l’école des Beaux-Arts de Quimper, dans la revue Arts Ménagers N°75 mars 1956.
Photos parues en 1955.
Bulletin n°6 de l’association des amis de la faïence de Quimper (2 semestre 2007)
Reportage sur l’école des Beaux-Arts de Quimper, dans la revue Arts Ménagers N°75 mars 1956.
Photos parues en 1955.
En 1955, A. Kergoat intègre l’Ecole Nationale de céramique à Vierzon avec un poste de maître d’internat ; Il la quitte pour rejoindre un atelier de production en céramique à St-Jean-la-Poterie, comme décorateur.
« J‘ai quitté Vierzon déçu. Parti avec l’espoir de me trouver « dans le bain », je me suis heurté à un milieu froid, méfiant et conventionnel, assez déconcertant pour quelqu’un qui a tout à apprendre. Mon poste de maître d’internat ne devait pas arranger les choses car au lieu de m’apporter les moyens que j’espérais d’étudier d’avantage, il ne fit que détraquer mon emploi du temps et me mettre en présence d’une chose inimaginable : l’Education Nationale : que de cyniques, de fumistes, de cossards pour un type potable ! et quel fromage... Ajoutez une ville que vous connaissez pour son aspect réchauffant, et je me suis trouvé au bout de trois mois complètement «désintéressé», à me demander ce que j’étais venu faire dans cette galère et décidé à saisir la première occasion de débarquer. »
Extrait d’une lettre de A. Kergoat à Pierre Toulhoat du 22 janvier 1957
Collection particulière J.V.
Il intègre ensuite, en 1957, l’atelier de Pierre Toulhoat (http://toulhoat.com/) installé à l’époque dans un vaste sous-sol de la manufacture Keraluc. (1)
En 1960, il quitte l’atelier de Pierre Toulhoat, à l’issu de difficultés relationnelles dans le cadre du travail.
« Je ne suis ni psychologue ni psychiatre. Tout ce que je peux dire, c’est qu’il avait tendance à scier la branche d’arbre où il était assis.»
Extrait d’un commentaire de Pierre Toulhoat en avril 2008
André Kergoat installe alors un atelier attenant à la maison familiale, avec un four, dans l’optique d’une production personnelle. André Kergoat fabrique dès lors, après avoir acheté les biscuits à « Keraluc », des pièces de vaisselle uniques pour la famille ou quelques amis. Jamais il ne fera de production en série ou de travail véritablement commercial.
Plusieurs activités d’André Kergoat demanderaient maintenant de nombreuses précisions, car la chronique familiale est pour l’instant très floue et s’en tient à des « Il paraîtrait qu’André... ».
« Il paraîtrait qu’André aurait produit des panneaux de signalisation touristique en carreaux de grès émaillés pour la ville de Pont-Aven. Il est avéré qu’André a réalisé une fresque en céramique qui se trouvait place du Meneyer à Bénodet, mais qui n’existe plus. »
« Il paraîtrait qu’André aurait également travaillé pour le journal France-dimanche (Ici-Paris, Le Hérisson). Il faisait ses dessins à Ty-Creiz et les envoyait aux journaux. »
« Il paraîtrait qu’André aurait été embauché — on ne sait dans quelles conditions — pendant 3 années chez Disney, à Montreuil-sous-bois, dans la banlieue parisienne. On ne sait sur quels projets il a pu intervenir. On ne sait dans quelles conditions son contrat est interrompu. »
Assiette cancer 1#12, André Kergoat.
Service à dessert Zodiac, Biscuit Keraluc.
Collection particulière J.V.
Service à dessert Zodiac, Biscuit Keraluc.
Collection particulière J.V.
Estampille sur biscuit Keraluc.
Collection privée. J.V.
Collection privée. J.V.
Á la mort de sa mère et à la vente de la maison Ty Creiz, André Kergoat arrête toute production et devient brancardier au centre thalasso de Bénodet. Il prendra ensuite sa retraite et décédera quelques années plus tard, en décembre 1995.
André Kergoat est donc un graphiste oublié (2), et pour cause.
Il n’a jamais voulu ou pu faire reconnaître son travail en exerçant longtemps dans une entreprise ou en valorisant son savoir-faire et sa « nécessité intérieure » de dessiner, de représenter.
Tout au long d’une vie plutôt solitaire — c’est un pêcheur passionné — il n’aura pas fait valoir à l’extérieur d’un tout petit cercle familial des qualités graphiques exceptionnelles.
Très rapide et cependant très précis dans leur exécution, André Kergoat a mis en œuvre des figures, des motifs, des représentations très diversifiées, avec aisance et pertinence.
On aurait aimé cependant voir s’épanouir le croisement d’une expérience graphique glanée dans ses voyages (et son expérience chez Disney ?) avec une culture visuelle bretonne et plus particulièrement fouesnantaise, voire bigoudenne, même s’il semblait avoir tendance à la « moquer ».
André Kergoat, non daté.
Collection particulière Guillou & J.V.
Collection particulière Guillou & J.V.
12 # 12. Collection particulière C.K.
En effet, l’attrait principal du travail d’André Kergoat tient principalement dans sa douce ironie, la façon tout en nuances dont il a su traiter les sujets qu’il avait choisis, qu’ils soient issus de la culture bretonne ou non. Il se démarque en cela de ses « collègues » céramistes bretons qui, même inventifs restent d’un sérieux inébranlable, ou qui reproduisent advitam eternam les mêmes « biniouseries »
Dans tous les cas, au cours des années qui viennent, nous tenterons de regrouper un corpus d’image, on l’a vu nécessairement réduit, pour simplement prendre acte de la place d’André Kergoat dans le graphisme breton.
André Kergoat, non daté.
12 # 12. Collection particulière C.K.
(1) Pierre Toulhoat est né quimpérois en 1923. Il a pu profiter dès la petite enfance de deux cultures vivantes : l’une populaire, celle du champ de foire, paysanne et sans théorie, de la famille modeste et catholique, des artisans de Kerfeuntun ; l’autre savante, celle du Likès, dont il sort bachelier en 1941 puis celle de l’Ecole nationale supérieur des Arts Décoratifs. Il en reçoit le diplôme en 1951.12 # 12. Collection particulière C.K.
En 1952, Pierre Toulhoat épouse Yvonne, l’une des filles du fondateur de Keraluc, dont elle dirige le service commercial. Pierre Toulhoat enseigne alors le modelage et la céramique à l’école des Beaux-Arts de Quimper. Pendant ce temps, il travaille pour la société Keraluc. Il fonde en 1956 sa propre entreprise.
Pierre Toulhoat a travaillé le vitrail, la céramique, la broderie, le bas relief, la monnaie, la bijouterie...
in « Toulhoat » Armel Morgant éditions COOP BREIZH 2007
(2) À ma connaissance, André Kergoat n’est jamais cité dans « l’encyclopédie des Céramiques de Quimper ».
Les trois premiers tomes ont été consacrés chronologiquement au XVIIIème, XIXème et XXème siècles. Ces volumineux ouvrages particulièrement documentés ont permis d’approfondir la genèse de la céramique de Quimper et son évolution sur trois cents ans. Volontairement, dans le T3, nous avons occulté les productions d’artistes qui font l’objet des deux derniers volumes de cette encyclopédie. En effet, nous avons recensé quelque 260 créateurs, illustres ou méconnus, ayant collaboré avec les quatre faïenceries de Quimper entre 1900 et 2006. (...)
Tome 4, Les artistes au XXe siècle (A à La)
Au XXe siècle, Quimper est devenu le lieu de confluence d’artistes majeurs, tant d’un point de vue breton que national (pensons pare exemple à Henri Bouchard dont le talent est à de multiples reprises loué en France et à l’étranger dans l’entre-deux-guerres, ou encore à Félix Desruelles, statutaire salué aux salons, professeur à l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts, membre de l’Institut) Les manufactures offrent aussi aux plus jeunes, aux plus bouillonnants des artistes régionaux, un lieu d’influence possible de l’art décoratif à la bretonne. Les Seiz Breur (les Creston, Langlais, Le Bozec...) en laissent l’une des traces les plus tangibles.
Ce quatrième volume de l’Encyclopédie des céramiques de Quimper contient de très nombreuses reproductions d’œuvres pour certaines totalement inédites et de documents jusqu’alors restés dans les tiroirs des familles, des particuliers ou des manufactures.
Tome 5, Les artistes au XXe siècle (Le à Y)
Au XXe siècle, Quimper est devenu un lieu de confluence d’artistes majeurs, tant d’un point de vue breton que national (Mathurin Méheut en est un exemple. Son talent été loué à de multiples reprises en France comme à l’étranger).
Enfin, tous ces artistes, dans leurs expressions et propositions diverses ont donné lieu à une création d’une grande variété aussi bien sur le plan thématique que dans le champ stylistique : des danseurs virevoltants de Micheau-Vernez au réalisme des statues de Quillivic, de l’approche naturaliste de Nam au style enlevé de René Quéré.
Il contient de très nombreuses reproductions d’œuvres dont certaines sont inédites ainsi que des documents de travail jusqu’alors pieusement gardés par les artistes, leurs familles ou les manufactures. Ce cinquième tome est le dernier élément d’un panorama jamais entrepris sur la faïence de Quimper. La totalité de cette publication représente 2300 pages illustrées d’environ 7800 reproductions photographiques.