TERREUR ET POSSESSION
Enquête sur la police des populations à l'ère technologique
PIÈCES ET MAIN D'ŒUVRE ; L'Échappée 2008 collection négatif 2008
voir : Nanotechnologies, maxiservitude, simples Citoyens, janvier 2003.
Préface
p. 5
Pour Kandinsky, par exemple, la théorie est la lampe qui écliare le chemin déjà parcouru, et non pas celui à venir. Elle est explicative et non prédictive. Cela vient de ce que le chemin déjà parcouru se transforme aussitôt en sentier nattu. Et les sentiers battus ne mènent qu'aux lieux communs.
p. 6
Le mot de "technique" nous vient d'une racine indo-européenne, T-K, qui a donné en sanscrit les mots taksati, "construire" et taksan, "charpentier", ainsi qu'en grec tektôn. D'où l'architecte qui construit nos toits. La technique est l'art de transformer la matière première, en l'occurence le bois : matrix, "matrice", "femelle pleine qui nourrit", "arbre qui produit des rejetons", "partie dure de l'arbre", "bois de charpente", "toute espèce de matériaux", "matière". Materiarus, "relatif à la charpente". Bas latin, materiamen, "bois de charpente", materialis et immaterialis. La technique est le pouvoir de transformer ce monde maternel/matériel. Ce pouvoir a une histoire. Au fil des âges, il s'ezst diversifié, approfondi, étendu, complexifié. Combiné à la science (savoir c'est pouvoir), tantôt à son service et la précédent, tantôt l'asservissant et s'en fortifiant, il s'est lui-même transformé en technologie. Fusion de la science et des techniques, techno-sciences et recherches appliquées. Puis, "hautes technologies", "avancées", "convergences", etc.
p. 7
Le mot industria désigne en latin une "activité secrète". Et secrète parce que criminelle comme le sont les activités couvertes par le secret d'État et celle de ses symbiotes, les groupes industrielles : Krupp, Schneider, IBM, BASF, Mosanto, Areva, Thales, EADS, Sagem, ElfToralFina. Aussi bien ce terme d'industria dérive-t-il d'un verbe struere, qui signifie " empiler des matériaux", des structures, bref, construire.
Au creux des mots, le secret des choses.
Harmonieusement, l'industrie du contrôle, de la surveillence et de la contention, censée pourvoir à la sécurité du capitalisme fondé sur la croissance et l'innovation, en est devenue elle-même l'un des principaux marchés et laboratoires.
p. 8
Le néologisme "sécuritaire" est apparu en 1983 selon le dictionnaire, pour qualifier une tendance " à privilégier les problèmes de sécurité publique". Sans doute parce qu'auparavant était apparue cette même tendance " à privilégier les problèmes de sécurité publique". Modelé sur " autoritaire ", et antonyme de " libertaire ", " sécuritaire " est un euphémisme pour " répressif ". Mais la réalité commande chaque jour un peu plus d'utiliser le mot " totalitaire ", suivant la leçon de Bernanos : " Qu'est-ce que l'État totalitaire sinon une technique — la technique des techniques " ? (La France contre les robots) [...]
Fomentée durant des décennies, le sécuritaire émerge en France métropolitaine en réaction au mouvement de mai 68 (projet Safari, 1974) et sous le libéralisme avancé des années Giscard, avec le plan Vigipirate, la commission Informatique et Liberté, et la loi Sécurité et Liberté.
p. 9
La technologie n'est rien d'autre que du pouvoir sur le monde, et de ceux qui en ont le privilège sur ceux qui en sont privés.
p. 10
Les complots font partie des moyens par lesquels les hommes, minoritaires en nombre, concentrent leurs volontés pour transformer une situation, et y arrivent quelquefois. Le complot par définition et pour réussir doit rester ignoré. Il est donc bien normal que le pouvoir en ridiculise l'idée, à la fois pour assurer son succès, et pour s'en réserver davantage. Gouverner c'est comploter. Rarissimes en revanche, malgré bien des tentatives (carbonari, blanquistes, populistes russes), les complots victorieux des sans-pouvoirs. L'émancipation du plus grand nombre, par nature, ne se fomente pas en secret.
p. 11
Contrairement aux proclamations de Serge, si démesurés que soient les sacrifices humains, il n'est guère de flot révolutionnaire qu'une police criminelle, scientifique et machiavélique ne puisse endiguer. C'est même la routine du comitatus, des organes de terreur du pouvoir.
depuis des siècles nous sommes gouvernés par une société secrète que l'on nomme l'État, instance spécialisée, concentrée et rationnalisée du pouvoir. Le coup d'État permanent, c'est l'État lui-même. Et s'il se réussit, c'est qu'une minorité organisée de façon secrète et pérenne l'emporte d'autant plus fort sur les soubresauts chaotiques de la majorité qu'elle jouit d'une supériorité technique croissante.
p. 13
Jamais la disproportion des forces entre pouvoir et sans-pouvoirs n'a été plus écrasante, tandis que l'industrie du divertissement, entre autres facteurs, dissolvait l'esprit de résistance. [...]
L'accélération technologique est l'autre nom de l'expansion totalitaire. La société de contrôle, nous l'avons dépassée ; la société de surveillance, nous y sommes ; la société de contrainte, nous y entrons.
p. 14
Le contrôle n'est pas la maîtrise, ni l'emprise, ni la commande, ni le pouvoir, mais la vérification. Un inventaire. Un état. Un fichier de biens : objets, cheptel esclaves. Avec d'un côté, sur des tablettes d'argile (Mésopotamie) ou sur des rôles de parchemins, la liste de ces biens notés par leur nom ou par leur numéro, et de l'autre ces biens éventuellement marqués, tatoué de leur nom ou numéro, porteur d'une pièce d'identité. Le contre-rôle s'effectuant lorsqu'au code inscrit sur le rôle, le registre, correspond un code identique sur le bien. Au sens littéral, le contrôle naît tout bêtement avec l'appel (roll-call) des enrôlés, soldats et prisonniers, pour s'étendre aujourd'hui au multi-fichage informatique de la population et à ses rôles électroniques ; notamment via les registres d'état civil, le numéro d'inscription au répertoire (NIR ou numéro Insee), le recensement, la carte d'identité, etc.
p. 15
La surveillance se divise elle-même en détection et traçabilité. À l'ère technologique ce dispositif d'omniscience combine déjà le dépistage génétique, le profilage sociologique, la fouille de données (data mining), la lecture automatisée des expressions façiales, des ondes cérébrales et des indices physiologiques, la vidéosurveillance, les drones, le repérage (capteurs, GPS/RFID/Wifi), la cybersurveillance, le téléphone portable, le puçage électronique, l'Internet des objets, et reportez-vous à votre média habituel pour les prochaines innovations. Autant de moyens qui s'ajoutent aux vieux procédés — délation, infiltration, espionnage — sans les supprimer. [...]
À la détection et à la traçabilité succède le traitement, c'est à dire la répression en cas de trouble de l'ordre public. [...]
Ceux mêmes qui n'ont pas lu Clausewitz savent " que la guerre est la continuation de la politique par d'autres moyens ". Ceux qui l'ont lu savent en outre que " la guerre est donc un acte de violence destiné à contraindre l'adversaire à exécuter notre volonté ".
p. 17
On voit donc que la technologie est la continuation de la guerre par d'autres moyens. Et que les neurotechnologies couronnent ce rationalisme policier qui prétend faire de nous des insectes sociaux et de l'humanité une fourmilière-machine.
p. 18
Rarement théorie n’a mieux été vérifiée par les faits que celle des anciens paysans anxieux du dérèglement industriel du climat, sinon celle des vieux contestataires dénonçant l’autoritarisme des sociétés nucléarisées. (...)
(...) Une société étant un ensemble de personnes qui se tait sur la même chose, la vérité est sa bête noire, sa première victime émissaire que l’on sacrifie à l’unanimité sociale.
p. 19
Cette société avait choisi de se taire sur la finitude du monde. Sur l’éphémère du gaspillage et de la goinfrerie. Les uns parce qu’ils en jouissaient, les autres parce qu’ils y aspiraient, et tous dans la foi que la fée Technologie et le dieu Progrès leur permettraient de transformer sans cesse moins de matière en toujours plus de biens.
p. 20
Notre tentative de mise à jour des faits et de leur assemblage, nous a conduit dans ces pages à dénoncer l’usage mystificateur du concept de « théorie du complot » et à en désigner les véritables auteurs et profiteurs ; à retracer et à détailler la notion récente de « sécuritaire » ; à récuser et démonter de vieux poncifs sur l’invincibilité prétendue de la « guerre asymétrique », de la « guerre révolutionnaire » et du soulèvement révolutionnaire ; à rappeler et à clarifier le sens du terme « contrôle », de « police », et de « surveillance » , à distinguer ces termes entre eux, et avec ceux de « détection » et de « traçabilité » ; à formuler enfin la notion de « société de contrainte » pour désigner le monde en devenir. Loin de jouer avec les mots ou d’en employer des acceptions arbitraires, floues, fausses ou tronquées, on s’en est tenu aux définitions des usuels (Dictionnaire étymologique du français, dictionnaire du vocabulaire technique et critique de la philosophie, le Robert), afin qu’un langage exact et commun permette, autant que possible, une représentation exacte et commune des réalités.
p. 24
Il faut vivre contre son temps, voilà tout.
Chapitre 1
L’invention de la théorie du complot ou les aveux de la sociologie libérale
p. 31
Dans ce meilleur des mondes possibles, où tous les points de vue coexistent et ‘annulent réciproquement, aimablement, dans un éclectisme languide, croire en la vérité reste la dernière option choquante, simplement parce que la vérité seule est révolutionnaire.
A quoi se connaît-elle ? demandera-t-on. Au soin qu’on met à la cache. Cette société, que l’on a diversement qualifiée d’industrielle, des loisirs, de consommation, du spectacle et, récemment, de l’information, se révèle à l’examen une société du secret, et cela constitue d’ailleurs son premier secret, celui qui couvre tous les autres. Secret scientifique, industriel et commercial, secret défense et services secrets, zones interdites et archives classées, sociétés écrans, paradis fiscaux, circuits financiers et électroniques, censure par le silence ou par le bruit. Dans cette société prétendue « ouverte » par ses apologistes, il n’est rien de si difficile que de saisir une vérité partielle et d’en tirer le fil au-delà du voile de « transparence » et de communication derrière lequel on dérobe la vérité vraie ; car la vérité, c’est toute la vérité.
p. 33
Autre cliché, nous avons tous dans la même rétine un point dit aveugle, où se connecte le nerf optique. Est-ce Georges Bataille qui le premier a comparé ce point aveugle à celui que nous avons dans l’entendement ? L’évidence, souvent, se cache dans ce point aveugle, tel le nez au milieu de la figure. On ne voit pas, justement parce que cela crêve les yeux. reculez d’un pas, cette évidence vous saute aux yeux, comme une forme jaillit du fond d’un tableau. Et qu’est-ce qu’une idée, sinon une saillance de l’informe ? Nous, les sans-pouvoirs, devons rendre visible l’ordre caché du pouvoir, derrière l’apparence de chaos dont il s’enrobe.
I paraît aussi que, à son premier voyage, des îliens d’Océanie ne voyaient pas l’énorme bateau à l’ancre devant leur plage. Simplement parce que ce bateau fantastique ne renvoyait à aucune configuration neuronale dans leur conscience passée. Le pouvoir qui façonne notre expérience exerce sur nous une hypnose similaire : voyant le monde par ses yeux, nous voyons très franchement des mosquées à la place des usines, de la neige au lieu d’un ersatz de bactéries et de protéines, de bons savants à la place d’assassins. Mais les voisins du laboratoire P4 de Lyon ou du centre de retraitement des déchets nucléaires de la Hague ne les voient pas plus qu’on ne voit l’institut Laue-Langevin sur la carte de Grenoble affichée sur les panneaux Decaux. C’est pourtant une curiosité unique au monde, et digne d’être signalée, qu’un réacteur nucléaire en pleine ville.
p. 36
On ne compte plus désormais les mises en garde d’éminences académiques et scientifiques contre les risques de destruction de la terre et de ses habitants, à laquelle ils avaient jusqu’ici collaboré de tout leur zèle rationnel et progressiste. Il n’en manque pas pour confier mezzo voce que « c’est déjà trop tard ». ces gens-là étant les mieux placés pour savoir ce qu’ils ont fait, on ne désespère pas de voir, avant la fin des temps, la foule courir sus les blouses blanches au coin des rues et leurs chefs se promener au bout des piques.
depuis le 6 août 1945, le spectre de cette fin d monde n’a cessé de croître, obsédant aujourd’hui jusqu’au discours d’état. Une catastrophe qu’on ne peut plus nier ni empêcher peut encore servir à renforcer le pouvoir de ceux qui l’on provoquée, par la déclaration de l’état d’urgence, comme en Louisiane, après l’ouragan Katrina. Ces mêmes « écocidaires », qui ont imposé la destruction du milieu au nom de l’économie absolue, qui ont écrasé depuis quarante ans la critique écologique, se muent sous nos yeux en dictateurs écologistes au nom du salut public.
p. 37
les hommes d’aujourd’hui sont les ombres des ces morts radiographiés sur les murs d’Hiroshima, et c’est pourquoi ils sont si tristes. Ils attendent leur tour. Et s’ils ont tant de honte, de remords et de besoin d’expiation, c’est appartenir à la même espèce que cette caste perverse, ayant abdiqué son humanité contre son inhumanité, pour se muer, par volonté de puissance, en pure machine à détruire.
p. 44
Le simple citoyen ne s’étonne pas que la voisine d’à côté soi « habilitée secret défense » ni d’apprendre à quelles troubles et périlleuses activités se livre l’un des plus gros employeurs locaux. Il en serait plutôt fier comme un esclave peut avoir l’esprit maison. (...)
(...) Dans ce monde tacite et réel, il va de soi que les mœurs des affaires, et surtout dans le secteur stratégique des hautes technologies, sont celles de sociétés criminelles avec lesquelles elles s’hybrident de plus en plus. C’est que à partir du moment où la guerre devient une branche des hautes technologies, celles-ci ne peuvent plus être que le théâtre de cette guerre.
mais dès les origines, trafic et piraterie n’étaient que les deux variantes d’une même activité, suivant les opportunités.
p. 47
On peut poser en principe qu’un fantasme est une évidence qui n’a pas franchi un certain seuil d’admission. Avant ça ne se dit pas, après ça va sans dire.
Avant, c’est un fantasme de die que les nanotechnologies servent un projet d’homme-machine dans un monde-machine. Arès, c’est une évidence que cet irrésistible progrès n’ira pas sans une kyrielle de mesures d’encadrement, comités d’éthique et conférences citoyennes.
p. 48
On peut aussi clamer ces nouvelles évidences pour effacer ses dénégations de la veille et se poser en lanceur d’alerte. (...)
(...) Disons le donc, puisque le rôle des ingénus est de transformer certains fantasmes en évidences ou, si l’on veut, de renverser les évidences. Car la langue va où la dent fait mal et le pouvoir ne peut se contenter de demi-mensonge. Au moindre accroc, c’est toute la trame qui file. Il lui faut donc inverser les mots et les choses pour ne pas se contredire.
p. 49
Il faut être un pur produit du système Bokanovsky pour gober qu’un parc puisse être « naturel », la nature et l’intelligence « artificielles », les machines « intelligentes », la réalité « virtuelle ». On exige de plus en plus des scientifiques et des industriels la preuve de l’innocuité de leurs produits plutôt qu’on exige de leurs victimes la preuve de leur nocivité. Chacun son illumination. les uns découvrent qu’il n’y a pas de question immigrée dans les quartiers « sensibles », mais un problème raciste dans les quartiers insensibles. les autres que l’Aide publique au développement relève strictement du double pillage, des bailleurs et des destinataires, au profit de nos grandes compagnies. On note que l’Agence intergouvernementale pour l’énergie atomique organise la prolifération nucléaire sous couvert de la combattre. Ce pourquoi elle reçoit le prix Nobel de la paix, comme le criminel de guerre Kissinger. Des penseurs s’avisent que le dysfonctionnement est devenu le fonctionnement par un autre nom de toute la machine sociale comme l’état d’exception devient bientôt la règle.
p. 52
A peu près toute vérité peut se dire sous couvert de fiction, cependant que le mensonge légal a cours forcé sous couvert de vérité. Et ainsi le sous-monde infernal ne submerge jamais l’impassible surface.
p. 59
Le complot, vieux comme la communauté, ne peut se fomenter qu’en son sein, et l’histoire en regorge, plus attestés l’un que l’autre, dès leur origine. La raison en est simple : l’union e le secret constitue un double avantage sur la dispersion et la publicité dans les affaires du groupe. Et c’est pourquoi l’on voit, même dans les mouvements de contestation, qui en principe se targuent de loyauté et se réclament de la démocratie directe, des factions se réunir secrètement pour instaurer un pouvoir occulte et manipuler l’assemblée générale.
p. 60
Le pouvoir impérial reconnaît très bien Napoléon III sous le masque de Machiavel et authentifie la description de Maurice Joly en l’emprisonnant pour deux ans à Sainte-Pélagie.
Que dit Napoléon-Machaivel ?
« Le principal secret du gouvernement consiste à affaiblir l’esprit public, au point de le désintéresser complètement des idées et des principes avec lesquels on fait aujourd’hui les révolutions. Dans tous les temps, les peuples comme les hommes se sont payés de mots. Les apparences leur suffisent presque toujours ; ils n’en demandent pas plus. On peut donc établir des institutions factices qui répondent à un langage et à des idées également factices ; il faut avoir le talent de ravir aux partis cette phraséologie libérale, dont ils s’arment contre les gouvernements. Il faut en saturer les peuples jusqu’à la lassitude, jusqu’au dégoût. »
(Note de Marc VAYER : voir Sarko)
Chapitre 2
L'invention du sécuritaire ou la liquidation de la gauche militante
p. 74
Un complot réussi, c’est de préférence un complot invisible et innomé, il est donc bien normal que les maîtres et avocats des apparences ridiculisent l’idée même de complot, afin de s’en réserver l’usage. Innombrables, les complots du pouvoir. Rarissimes, ceux des sans-pouvoirs. Impossible d’un nommer un victorieux. Ce n’est pas notre genre.
Mais, dira-t-on, pourquoi cette attention au complot ? Ne serait-il pas plus judicieux de chercher ce qui rend l’opposition si difficile, et si florissant l’esprit de servitude ? Depuis le temps qu’il y a des insoumis, et qu’ils se demandent les raisons de leur isolement, on pourrait croire à un recensement exhaustif des réponses possibles. En fait la question intrigante serait plutôt : pourquoi y-a-t-il encore des anormaux ? — mais les sciences sociales et médicales y travaillent et convergent vers des solutions optimales.
Certains ont situé le principe d’allégeance dans notre passé animal; dans l’implacable division entre dominants et dominés. Une fois perdu l’espoir d’éliminer ou de renverser la domination, l’instinct de conservation commande aux dominés de s’accommoder de leur sujétion, voire d’en tirer avantage sous la protection des dominants. L’habitude, cette seconde nature, fait le reste. Et ainsi, toute la société est une prison où règne, à l’état plus ou moins prononcé, le phénomène de caïdat.
PIÈCES ET MAIN D'ŒUVRE ; L'Échappée 2008 collection négatif 2008
voir : Nanotechnologies, maxiservitude, simples Citoyens, janvier 2003.
Préface
p. 5
Pour Kandinsky, par exemple, la théorie est la lampe qui écliare le chemin déjà parcouru, et non pas celui à venir. Elle est explicative et non prédictive. Cela vient de ce que le chemin déjà parcouru se transforme aussitôt en sentier nattu. Et les sentiers battus ne mènent qu'aux lieux communs.
p. 6
Le mot de "technique" nous vient d'une racine indo-européenne, T-K, qui a donné en sanscrit les mots taksati, "construire" et taksan, "charpentier", ainsi qu'en grec tektôn. D'où l'architecte qui construit nos toits. La technique est l'art de transformer la matière première, en l'occurence le bois : matrix, "matrice", "femelle pleine qui nourrit", "arbre qui produit des rejetons", "partie dure de l'arbre", "bois de charpente", "toute espèce de matériaux", "matière". Materiarus, "relatif à la charpente". Bas latin, materiamen, "bois de charpente", materialis et immaterialis. La technique est le pouvoir de transformer ce monde maternel/matériel. Ce pouvoir a une histoire. Au fil des âges, il s'ezst diversifié, approfondi, étendu, complexifié. Combiné à la science (savoir c'est pouvoir), tantôt à son service et la précédent, tantôt l'asservissant et s'en fortifiant, il s'est lui-même transformé en technologie. Fusion de la science et des techniques, techno-sciences et recherches appliquées. Puis, "hautes technologies", "avancées", "convergences", etc.
p. 7
Le mot industria désigne en latin une "activité secrète". Et secrète parce que criminelle comme le sont les activités couvertes par le secret d'État et celle de ses symbiotes, les groupes industrielles : Krupp, Schneider, IBM, BASF, Mosanto, Areva, Thales, EADS, Sagem, ElfToralFina. Aussi bien ce terme d'industria dérive-t-il d'un verbe struere, qui signifie " empiler des matériaux", des structures, bref, construire.
Au creux des mots, le secret des choses.
Harmonieusement, l'industrie du contrôle, de la surveillence et de la contention, censée pourvoir à la sécurité du capitalisme fondé sur la croissance et l'innovation, en est devenue elle-même l'un des principaux marchés et laboratoires.
p. 8
Le néologisme "sécuritaire" est apparu en 1983 selon le dictionnaire, pour qualifier une tendance " à privilégier les problèmes de sécurité publique". Sans doute parce qu'auparavant était apparue cette même tendance " à privilégier les problèmes de sécurité publique". Modelé sur " autoritaire ", et antonyme de " libertaire ", " sécuritaire " est un euphémisme pour " répressif ". Mais la réalité commande chaque jour un peu plus d'utiliser le mot " totalitaire ", suivant la leçon de Bernanos : " Qu'est-ce que l'État totalitaire sinon une technique — la technique des techniques " ? (La France contre les robots) [...]
Fomentée durant des décennies, le sécuritaire émerge en France métropolitaine en réaction au mouvement de mai 68 (projet Safari, 1974) et sous le libéralisme avancé des années Giscard, avec le plan Vigipirate, la commission Informatique et Liberté, et la loi Sécurité et Liberté.
p. 9
La technologie n'est rien d'autre que du pouvoir sur le monde, et de ceux qui en ont le privilège sur ceux qui en sont privés.
p. 10
Les complots font partie des moyens par lesquels les hommes, minoritaires en nombre, concentrent leurs volontés pour transformer une situation, et y arrivent quelquefois. Le complot par définition et pour réussir doit rester ignoré. Il est donc bien normal que le pouvoir en ridiculise l'idée, à la fois pour assurer son succès, et pour s'en réserver davantage. Gouverner c'est comploter. Rarissimes en revanche, malgré bien des tentatives (carbonari, blanquistes, populistes russes), les complots victorieux des sans-pouvoirs. L'émancipation du plus grand nombre, par nature, ne se fomente pas en secret.
p. 11
Contrairement aux proclamations de Serge, si démesurés que soient les sacrifices humains, il n'est guère de flot révolutionnaire qu'une police criminelle, scientifique et machiavélique ne puisse endiguer. C'est même la routine du comitatus, des organes de terreur du pouvoir.
depuis des siècles nous sommes gouvernés par une société secrète que l'on nomme l'État, instance spécialisée, concentrée et rationnalisée du pouvoir. Le coup d'État permanent, c'est l'État lui-même. Et s'il se réussit, c'est qu'une minorité organisée de façon secrète et pérenne l'emporte d'autant plus fort sur les soubresauts chaotiques de la majorité qu'elle jouit d'une supériorité technique croissante.
p. 13
Jamais la disproportion des forces entre pouvoir et sans-pouvoirs n'a été plus écrasante, tandis que l'industrie du divertissement, entre autres facteurs, dissolvait l'esprit de résistance. [...]
L'accélération technologique est l'autre nom de l'expansion totalitaire. La société de contrôle, nous l'avons dépassée ; la société de surveillance, nous y sommes ; la société de contrainte, nous y entrons.
p. 14
Le contrôle n'est pas la maîtrise, ni l'emprise, ni la commande, ni le pouvoir, mais la vérification. Un inventaire. Un état. Un fichier de biens : objets, cheptel esclaves. Avec d'un côté, sur des tablettes d'argile (Mésopotamie) ou sur des rôles de parchemins, la liste de ces biens notés par leur nom ou par leur numéro, et de l'autre ces biens éventuellement marqués, tatoué de leur nom ou numéro, porteur d'une pièce d'identité. Le contre-rôle s'effectuant lorsqu'au code inscrit sur le rôle, le registre, correspond un code identique sur le bien. Au sens littéral, le contrôle naît tout bêtement avec l'appel (roll-call) des enrôlés, soldats et prisonniers, pour s'étendre aujourd'hui au multi-fichage informatique de la population et à ses rôles électroniques ; notamment via les registres d'état civil, le numéro d'inscription au répertoire (NIR ou numéro Insee), le recensement, la carte d'identité, etc.
p. 15
La surveillance se divise elle-même en détection et traçabilité. À l'ère technologique ce dispositif d'omniscience combine déjà le dépistage génétique, le profilage sociologique, la fouille de données (data mining), la lecture automatisée des expressions façiales, des ondes cérébrales et des indices physiologiques, la vidéosurveillance, les drones, le repérage (capteurs, GPS/RFID/Wifi), la cybersurveillance, le téléphone portable, le puçage électronique, l'Internet des objets, et reportez-vous à votre média habituel pour les prochaines innovations. Autant de moyens qui s'ajoutent aux vieux procédés — délation, infiltration, espionnage — sans les supprimer. [...]
À la détection et à la traçabilité succède le traitement, c'est à dire la répression en cas de trouble de l'ordre public. [...]
Ceux mêmes qui n'ont pas lu Clausewitz savent " que la guerre est la continuation de la politique par d'autres moyens ". Ceux qui l'ont lu savent en outre que " la guerre est donc un acte de violence destiné à contraindre l'adversaire à exécuter notre volonté ".
p. 17
On voit donc que la technologie est la continuation de la guerre par d'autres moyens. Et que les neurotechnologies couronnent ce rationalisme policier qui prétend faire de nous des insectes sociaux et de l'humanité une fourmilière-machine.
p. 18
Rarement théorie n’a mieux été vérifiée par les faits que celle des anciens paysans anxieux du dérèglement industriel du climat, sinon celle des vieux contestataires dénonçant l’autoritarisme des sociétés nucléarisées. (...)
(...) Une société étant un ensemble de personnes qui se tait sur la même chose, la vérité est sa bête noire, sa première victime émissaire que l’on sacrifie à l’unanimité sociale.
p. 19
Cette société avait choisi de se taire sur la finitude du monde. Sur l’éphémère du gaspillage et de la goinfrerie. Les uns parce qu’ils en jouissaient, les autres parce qu’ils y aspiraient, et tous dans la foi que la fée Technologie et le dieu Progrès leur permettraient de transformer sans cesse moins de matière en toujours plus de biens.
p. 20
Notre tentative de mise à jour des faits et de leur assemblage, nous a conduit dans ces pages à dénoncer l’usage mystificateur du concept de « théorie du complot » et à en désigner les véritables auteurs et profiteurs ; à retracer et à détailler la notion récente de « sécuritaire » ; à récuser et démonter de vieux poncifs sur l’invincibilité prétendue de la « guerre asymétrique », de la « guerre révolutionnaire » et du soulèvement révolutionnaire ; à rappeler et à clarifier le sens du terme « contrôle », de « police », et de « surveillance » , à distinguer ces termes entre eux, et avec ceux de « détection » et de « traçabilité » ; à formuler enfin la notion de « société de contrainte » pour désigner le monde en devenir. Loin de jouer avec les mots ou d’en employer des acceptions arbitraires, floues, fausses ou tronquées, on s’en est tenu aux définitions des usuels (Dictionnaire étymologique du français, dictionnaire du vocabulaire technique et critique de la philosophie, le Robert), afin qu’un langage exact et commun permette, autant que possible, une représentation exacte et commune des réalités.
p. 24
Il faut vivre contre son temps, voilà tout.
--------------------------------------------------------------------
Schéma possible (par Marc VAYER)
technique + sciences = technologie / techno-sciences
INDUSTRIE : accélération technologique - innovation / sécuritaire = sécurité nationale
=
complot ("Gouverner, c'est comploter")
⇓
CONTRÔLE
numéros - recensement - cartes
registres - inventaires
fichiers
⇓
SURVEILLANCE
détection - traçabilité
TRAITEMENT = répression
--------------------------------------------------------------------
technique + sciences = technologie / techno-sciences
INDUSTRIE : accélération technologique - innovation / sécuritaire = sécurité nationale
=
complot ("Gouverner, c'est comploter")
⇓
CONTRÔLE
numéros - recensement - cartes
registres - inventaires
fichiers
⇓
SURVEILLANCE
détection - traçabilité
TRAITEMENT = répression
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Chapitre 1
L’invention de la théorie du complot ou les aveux de la sociologie libérale
p. 31
Dans ce meilleur des mondes possibles, où tous les points de vue coexistent et ‘annulent réciproquement, aimablement, dans un éclectisme languide, croire en la vérité reste la dernière option choquante, simplement parce que la vérité seule est révolutionnaire.
A quoi se connaît-elle ? demandera-t-on. Au soin qu’on met à la cache. Cette société, que l’on a diversement qualifiée d’industrielle, des loisirs, de consommation, du spectacle et, récemment, de l’information, se révèle à l’examen une société du secret, et cela constitue d’ailleurs son premier secret, celui qui couvre tous les autres. Secret scientifique, industriel et commercial, secret défense et services secrets, zones interdites et archives classées, sociétés écrans, paradis fiscaux, circuits financiers et électroniques, censure par le silence ou par le bruit. Dans cette société prétendue « ouverte » par ses apologistes, il n’est rien de si difficile que de saisir une vérité partielle et d’en tirer le fil au-delà du voile de « transparence » et de communication derrière lequel on dérobe la vérité vraie ; car la vérité, c’est toute la vérité.
p. 33
Autre cliché, nous avons tous dans la même rétine un point dit aveugle, où se connecte le nerf optique. Est-ce Georges Bataille qui le premier a comparé ce point aveugle à celui que nous avons dans l’entendement ? L’évidence, souvent, se cache dans ce point aveugle, tel le nez au milieu de la figure. On ne voit pas, justement parce que cela crêve les yeux. reculez d’un pas, cette évidence vous saute aux yeux, comme une forme jaillit du fond d’un tableau. Et qu’est-ce qu’une idée, sinon une saillance de l’informe ? Nous, les sans-pouvoirs, devons rendre visible l’ordre caché du pouvoir, derrière l’apparence de chaos dont il s’enrobe.
I paraît aussi que, à son premier voyage, des îliens d’Océanie ne voyaient pas l’énorme bateau à l’ancre devant leur plage. Simplement parce que ce bateau fantastique ne renvoyait à aucune configuration neuronale dans leur conscience passée. Le pouvoir qui façonne notre expérience exerce sur nous une hypnose similaire : voyant le monde par ses yeux, nous voyons très franchement des mosquées à la place des usines, de la neige au lieu d’un ersatz de bactéries et de protéines, de bons savants à la place d’assassins. Mais les voisins du laboratoire P4 de Lyon ou du centre de retraitement des déchets nucléaires de la Hague ne les voient pas plus qu’on ne voit l’institut Laue-Langevin sur la carte de Grenoble affichée sur les panneaux Decaux. C’est pourtant une curiosité unique au monde, et digne d’être signalée, qu’un réacteur nucléaire en pleine ville.
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On ne compte plus désormais les mises en garde d’éminences académiques et scientifiques contre les risques de destruction de la terre et de ses habitants, à laquelle ils avaient jusqu’ici collaboré de tout leur zèle rationnel et progressiste. Il n’en manque pas pour confier mezzo voce que « c’est déjà trop tard ». ces gens-là étant les mieux placés pour savoir ce qu’ils ont fait, on ne désespère pas de voir, avant la fin des temps, la foule courir sus les blouses blanches au coin des rues et leurs chefs se promener au bout des piques.
depuis le 6 août 1945, le spectre de cette fin d monde n’a cessé de croître, obsédant aujourd’hui jusqu’au discours d’état. Une catastrophe qu’on ne peut plus nier ni empêcher peut encore servir à renforcer le pouvoir de ceux qui l’on provoquée, par la déclaration de l’état d’urgence, comme en Louisiane, après l’ouragan Katrina. Ces mêmes « écocidaires », qui ont imposé la destruction du milieu au nom de l’économie absolue, qui ont écrasé depuis quarante ans la critique écologique, se muent sous nos yeux en dictateurs écologistes au nom du salut public.
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les hommes d’aujourd’hui sont les ombres des ces morts radiographiés sur les murs d’Hiroshima, et c’est pourquoi ils sont si tristes. Ils attendent leur tour. Et s’ils ont tant de honte, de remords et de besoin d’expiation, c’est appartenir à la même espèce que cette caste perverse, ayant abdiqué son humanité contre son inhumanité, pour se muer, par volonté de puissance, en pure machine à détruire.
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Le simple citoyen ne s’étonne pas que la voisine d’à côté soi « habilitée secret défense » ni d’apprendre à quelles troubles et périlleuses activités se livre l’un des plus gros employeurs locaux. Il en serait plutôt fier comme un esclave peut avoir l’esprit maison. (...)
(...) Dans ce monde tacite et réel, il va de soi que les mœurs des affaires, et surtout dans le secteur stratégique des hautes technologies, sont celles de sociétés criminelles avec lesquelles elles s’hybrident de plus en plus. C’est que à partir du moment où la guerre devient une branche des hautes technologies, celles-ci ne peuvent plus être que le théâtre de cette guerre.
mais dès les origines, trafic et piraterie n’étaient que les deux variantes d’une même activité, suivant les opportunités.
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On peut poser en principe qu’un fantasme est une évidence qui n’a pas franchi un certain seuil d’admission. Avant ça ne se dit pas, après ça va sans dire.
Avant, c’est un fantasme de die que les nanotechnologies servent un projet d’homme-machine dans un monde-machine. Arès, c’est une évidence que cet irrésistible progrès n’ira pas sans une kyrielle de mesures d’encadrement, comités d’éthique et conférences citoyennes.
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On peut aussi clamer ces nouvelles évidences pour effacer ses dénégations de la veille et se poser en lanceur d’alerte. (...)
(...) Disons le donc, puisque le rôle des ingénus est de transformer certains fantasmes en évidences ou, si l’on veut, de renverser les évidences. Car la langue va où la dent fait mal et le pouvoir ne peut se contenter de demi-mensonge. Au moindre accroc, c’est toute la trame qui file. Il lui faut donc inverser les mots et les choses pour ne pas se contredire.
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Il faut être un pur produit du système Bokanovsky pour gober qu’un parc puisse être « naturel », la nature et l’intelligence « artificielles », les machines « intelligentes », la réalité « virtuelle ». On exige de plus en plus des scientifiques et des industriels la preuve de l’innocuité de leurs produits plutôt qu’on exige de leurs victimes la preuve de leur nocivité. Chacun son illumination. les uns découvrent qu’il n’y a pas de question immigrée dans les quartiers « sensibles », mais un problème raciste dans les quartiers insensibles. les autres que l’Aide publique au développement relève strictement du double pillage, des bailleurs et des destinataires, au profit de nos grandes compagnies. On note que l’Agence intergouvernementale pour l’énergie atomique organise la prolifération nucléaire sous couvert de la combattre. Ce pourquoi elle reçoit le prix Nobel de la paix, comme le criminel de guerre Kissinger. Des penseurs s’avisent que le dysfonctionnement est devenu le fonctionnement par un autre nom de toute la machine sociale comme l’état d’exception devient bientôt la règle.
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A peu près toute vérité peut se dire sous couvert de fiction, cependant que le mensonge légal a cours forcé sous couvert de vérité. Et ainsi le sous-monde infernal ne submerge jamais l’impassible surface.
p. 59
Le complot, vieux comme la communauté, ne peut se fomenter qu’en son sein, et l’histoire en regorge, plus attestés l’un que l’autre, dès leur origine. La raison en est simple : l’union e le secret constitue un double avantage sur la dispersion et la publicité dans les affaires du groupe. Et c’est pourquoi l’on voit, même dans les mouvements de contestation, qui en principe se targuent de loyauté et se réclament de la démocratie directe, des factions se réunir secrètement pour instaurer un pouvoir occulte et manipuler l’assemblée générale.
p. 60
Le pouvoir impérial reconnaît très bien Napoléon III sous le masque de Machiavel et authentifie la description de Maurice Joly en l’emprisonnant pour deux ans à Sainte-Pélagie.
Que dit Napoléon-Machaivel ?
« Le principal secret du gouvernement consiste à affaiblir l’esprit public, au point de le désintéresser complètement des idées et des principes avec lesquels on fait aujourd’hui les révolutions. Dans tous les temps, les peuples comme les hommes se sont payés de mots. Les apparences leur suffisent presque toujours ; ils n’en demandent pas plus. On peut donc établir des institutions factices qui répondent à un langage et à des idées également factices ; il faut avoir le talent de ravir aux partis cette phraséologie libérale, dont ils s’arment contre les gouvernements. Il faut en saturer les peuples jusqu’à la lassitude, jusqu’au dégoût. »
(Note de Marc VAYER : voir Sarko)
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Chapitre 2
L'invention du sécuritaire ou la liquidation de la gauche militante
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Un complot réussi, c’est de préférence un complot invisible et innomé, il est donc bien normal que les maîtres et avocats des apparences ridiculisent l’idée même de complot, afin de s’en réserver l’usage. Innombrables, les complots du pouvoir. Rarissimes, ceux des sans-pouvoirs. Impossible d’un nommer un victorieux. Ce n’est pas notre genre.
Mais, dira-t-on, pourquoi cette attention au complot ? Ne serait-il pas plus judicieux de chercher ce qui rend l’opposition si difficile, et si florissant l’esprit de servitude ? Depuis le temps qu’il y a des insoumis, et qu’ils se demandent les raisons de leur isolement, on pourrait croire à un recensement exhaustif des réponses possibles. En fait la question intrigante serait plutôt : pourquoi y-a-t-il encore des anormaux ? — mais les sciences sociales et médicales y travaillent et convergent vers des solutions optimales.
Certains ont situé le principe d’allégeance dans notre passé animal; dans l’implacable division entre dominants et dominés. Une fois perdu l’espoir d’éliminer ou de renverser la domination, l’instinct de conservation commande aux dominés de s’accommoder de leur sujétion, voire d’en tirer avantage sous la protection des dominants. L’habitude, cette seconde nature, fait le reste. Et ainsi, toute la société est une prison où règne, à l’état plus ou moins prononcé, le phénomène de caïdat.