L'image et les signes Martine Joly

L’image et les signes, approche sémiologique de l’image fixe
Martine Joly - [Nathan]

Étude des modalités de production de sens par les signes mis en jeu dans l’image visuelle fixe.

De quelle façon la sémiologie de l’image permet de comprendre la signification ou la production de sens par l’image visuelle fixe.
  • présentation synthétique de la sémiologie de l’image.
  • comprendre rétrospectivement certains fondements du statut de l’image visuelle fixe.
  • compréhension des messages visuels prospectivement.

Chapitre 1

Sémiotique : théorie des signes
Sémiologie : du grec “semeion/signe et logos/discours, interpréter les signes, les symptômes. L’ensemble de symptômes = syndrome. Science générale des signes. Inventaire des signes et celui des règles qui régissent leur combinatoire.
Sémantique : étude des significations (question du sens)
Signe : synonyme de preuve, d’indice,
Image : dans le langage courant = “quelque chose qui ressemble à quelque chose d’autre”, représentation analogique principalement visuelle.

Icone
La sémantique s’intéresse au produit d’un système sémiotique tandis que la sémiologie étudiera le système en soi, ses éléments, leur structure, leurs règles d’organisation, etc. La sémiologie s’intéressera à la nature de la relation signifiant/signifié, au fonctionnement du signe dans son ensemble (structural et contextuel), qu’il soit linguistique ou non. [p 15]

Barthes a montré que tout système de signes ( ou de signification et de communication) se mêle au langage verbal. Il constate en effet qu’il est très difficile de trouver des images qui ne s’accompagnent pas de langage verbal oral ou écrit.
cinéma, télévision, publicité, B.D., photo de presse (faux contre-e

peintures, cinéma, timbre-poste, p!èce de monnaie, dessin d’enfant, affiche, photographie, gravure, image de synthèse, échographie, schéma, graffiti, illustrations, totems, faïence, [p 25]

Le signe peut, par exemple, mettre en œuvre des rapports logiques différents entre ses deux faces : pour reprendre des exemples de Eco, ces rapports peuvent être des rapports d’identité tels que x = x, des rapports d’équivalence : drapeau rouge + faucille + marteau = communisme ; des rapports de déduction : il y a de la fumée donc du feu ; ou encore des rapports d’induction ou d’inférence : il a un fusil, il peut tuer. [ p 27]

signifié (concept)
signifiant (perceptible, face matérielle et perçue du signe, son ou trace écrite)
référent (réalité physique ou concept du monde)
[p 30]

Classification des signes

- icone : du grec eiko “être semblable à”, “ressembler”, l’icone est le signe dont le signifiant a une relation de similarité avec ce qu’il représente, son référent
- image : c’est le signe iconique qui met en œuvre une ressemblance qualitative entre le signifiant et le référent. Elle imite ou reprend un certain nombre des qualités de l’objet : forme, proportions, couleurs, textures, etc.
- diagramme : analogie relationnelle entre le signifiant et son référent. Le diagramme reproduit le s relations internes de l’objet et non plus ses qualités externes. (plans, cartes, circuits, organigrammes, etc.)
- métaphore : parallélisme qualitatif entre le signifiant et le référent, comparaison implicite.

- index : ou indice, signe caractérisé par une relation de contiguïté physique avec ce qu’il représente, une relation de causalité (signes naturels, traces, etc.)

- symbole : entretient avec ce qu’il représente une relation arbitraire, conventionnelle (anneaux olympiques, drapeaux, allégories, etc.)

(Seboek)

L’absence de signe peut aussi faire signe (appellé signe zéro)

- signal : dont le signifiant appelle automatiquement (naturellement) ou conventionnellement (artificiellement) une réaction de la part du récepteur. (signaux routiers, certaines pubs, ...)

- symptôme : signe compulsif automatique qui a une signification différente pour le destinateur et le destinataire (symptôme du colonialisme ou de la crise, ...)

- nom : son référent est une classe d’extension (ex des pubs dont certaines figures visuelles peuvent fonctionner à leur tour comme des noms propres ou comme des classes d’extension, ...)

Il n’existe pas de signes “purs” mais des signes à dominante iconique, indiciaire ou symbolique.

Chapitre 2

[p 39]
Image fabriquée par la main de l’homme (peinte)
Image non fabriquée par la main de l’homme (achéropoïète)

imitation : mimesis
connaissance : gnosis
imagination : fantasia

Pourquoi tant d’indignation devant les images de charniers de Timishoara, de l’”interview” de Castro ? Pourquoi tant d’inte˛rrogations sur les “non-images” de la guerre du Golfe ou, au contraire, sur le trop d’images des camps bosniaques ou du “lynchage” d’une jeune somalienne ? Quelle attente déçue manifeste-t-on avec tant d’insistance ?
L’indignation vient du fait que le contrat de confiance a été rompu : tandis qu’on attend de l’image, plus que tout autre médium, qu’on puisse la croire, la preuve a été faite que cette crédibilité était aléatoire et non certaine. C’est cette incertitude qui est insuportable parce qu’elle bouscule l’attente spécifique de justesse et de vérité. Nous pensons, quant à nous, que ce n’est pas l’oubli de notre histoire, mais au contraire le fait qu’elle nous constitue puissamment qui nous pousse à vouloir avec tant de force qu’une image soit juste, que visible et vérité se confonde. [p 55 -58]

Des traces qui ne sont plus précisément des symptômes (pour Freud), des indices (pour Holmes), des signes picturaux, des images (pour Morelli). [p 59]

Mais un paradigme indiciaire peut-il être strict ou rigou
(...) Roland Barthes (...)
À cause de sa genèse spécifique (la lumière émanant de l’objet même vient dégrader le nitrate d’argent de la pellicule), une photographie propose une “double conjonction de réel et de passé”. Ce qui est représenté a existé nécessairement et a imprimé sa propre trace lumineuse sur la pellicule : “quelles que soient les objections de notre esprit critique, nous sommes obligés de croire à l’existence de l’objet représenté, c’est-à-dire rendu présent dans le temps et dans l’espace”. “Une photo n’est pas une copie du réel mais une émanation du réel passé : une magie et non un art
Peirce avait en effet déjà compris cette spécificité : “la ressemblance” qu’ont les photographies avec les objets qu’elles représentent “est en réalité due au fait que ces photographies ont été produites dans des circonstances telles qu’elles étaient physiquement forcées de correspondre point par point à la nature, de ce point de vue donc elles appartiennent à notre seconde classe des signes : les signes par connexion physique (index)”. C’est précisément ce caractère d’indice qui va permettre d’expliquer un certain nombre d’usages spécifiques que l’on fait de la photo : son utilisation comme preuve (à cause de son caractère d’attestation, de singularité et de désignation), comme fétiche ou encore comme idole.
Et cela même si, comme le démontre fort bien Philippe Dubois, une photo ne peut être qu’”une preuve d’e
Comme le développent abondamment Barthes dans la chambre claire et aussi Philippe Dubois dans l’acte photographique, les conséquences de cette spécificité indiciaire sont considérables. C’est elle qui rattache la photographie à la tradition des images sacrées, à celle des images vérités, à la magie, à la folie hallucinatoire, à la mort. C’est elle qui alimente la confusion entre visible-réel-réalité et vérité. Bien sûr, comme le rappelle Barthes, la société s’efforce d’”assagir” la photographie et d’en tempérer le pouvoir potentiel. Deux moyens majeurs existent pour cela, d’après lui : la prolifération et “l’art”.
La prolifération parce qu’elle banalise et atténue son impact ; “l’art” (et l’exemple est i˛ci le cinéma) parce que, stimulant la construction d’un monde imaginaire, l’image indiciaire ainsi utilisée détourne l’attention du caractère existentiel de sa propre spécificité. Malgré cela, la crédibilité d’un message photographique, vidéographique ou filmique, reste bien plus grande que celle d’un message peint, dessiné ou synthétique. Arraché à une réalité réduite à ce qui en est visible, celui-ci est d’emblée confondu avec elle. Ainsi, aucune fiction, réalisée à partir d’images indiciaires (photo, vidéo, film) ne se départit jamais totalement de son aspect de trace et donc le document qui lui est lié : la façon de filmer à l’âge d’or hollywoodien ; le visage de tel acteur , jeune puis moins jeune ; la mode du moment, etc.
La puissance des images indiciaires peut aussi se reconnaître à certains usages qu’on en fait, fétichistes ou idolâtrique. Que l’on pense aux photos des personnes disparues ou aimées.
(Note : relation aux travaux de Boltanski à travailler) On peut aussi reconnaître l’aspect indiciairsacralisées à cause de leur caractère indiciaire, plus “senti” que consciemment reconnu : des échographies de femmes enceinte inaugurent désormais l’album de famille ou trônent, encadrées, au-dessus des télévisions, comme la “première photo” de l’enfant.
On pourrait donner d’autres exemples. Il semble même que l’on accorde à l’image indiciaire un degré d’authenticité et de fiabilité d’autant plus grand que celle-ci est plus “scientifique”, plus transcodée, moins ressemblante et plus illisible pour le commun des mortels. Ainsi en est-il des images de télédétection, les spot-images, qu’elles émanent d’ondes lumineuses, son la scientificité, et donc à la vérité absolue attribuée à certaines images indiciaires : l’avenir même du monde leur est confié. La guerre se fait par leur intermédiaire (pensons aux images de télédétection que nous avons vues au moment de la guerre du Golfe) ; la médecine, la santé publique, se gèrent par leur intermédiaire ; le plan de développement agricole de certains pays leur est confié : c’est à partir de spot-images de certaines régions du monde que l’on décide de la planification ce certaines cultures et donc du problème de la faim ; de façon plus banale, elles décident de bien des aspects de notre vie quotidienne, liée par exemple à la météo (dont les images satellites nous sont quotidiennement interprétées par des “spécialistes” et néanmoins présentées comme “preuves”) et toute l’idéologie qui lui est liée …
Ce développement sur la crédibilité et la puissance attachées aux imaemblance. (...)

[p 63 à 65] Gombrich s’efforce de montrer avec toutes sortes d’exemples empruntés à tous les âges de la peinture et de l’art, que ce que l’on appelle ressemblance n’est pas une adéquation entre une représentation et une réalité quelcuonque, mais entres des attentes, celles du peintre, et celles des spectateurs, qui changent d’une époque à l’autre et les unes par rapport aux autres.
[p 67]

Mais (l’attente de vérité) est aussi nourrie de cette attente de conformité entre l’image et le dit sur l’image.
Or, si cette conformité a varié au cours des siècles, en diachronie, commeages” à proprement parler, qui ne sont que ce qu’elles sont, mais au commentaire qui en a été fait. Dans le cas de l’information, quoique l’on critique les “images”, ce sont les commentateurs que l’on accuse ou non de mensonge, dans la mesure où le contrat moral passé entre le journaliste et son public est de ne lui fournir que des informations vérifiées et “vraies”, que le spectateur, qui ne peut, lui, tout vérifier, puisse croire.
[p 69]

À propos du signe iconique, on trouve utilisés de façon à peu près équivalente les termes de “ressemblance”, mais aussi de “similitude” ou de “similarité” ai
[p 72]

Les indices se rapprochent, selon Daniel Bougnoux, des “représentations des choses” freudiennes : empreintes de pas, cendres de feu, pâleur, poing brandi, ... sont tous des signes qui demeurent en contiguïté physique d’espace et de temps avec le dénpté. C’est un segment, un échantillon, “ce qu’il manque à l’indice c’est le re de la représentation”.
[p 75]

Daniel Bougnou (...) postule que toute éducation consiste à progresser du maniement des indices à celuii des icones, puis des symboles, la progression culturelles tendant vers la maîtrise du symbole, et la fonction esthétique vers une régression indiciaire. Quant à l’icone, dans son fonctionnement sémiotique, elle oscillerait donc entre ces deux postulations, l’une symbolique et l’autre indiciaire. (...)
[p 76]

(...) L’image est nécessairement polysémique dans la mesure où elles est un enoncé iconique complexe ; mais on ne peut faire de la polysémie sa spécificité dans la mesure où tout énoncé complexe (verbal et non verbal) eà un contexte et à un co-texte verbal ou iconique à son tour, ainsi qu’à des moyens de transmissions particuliers (presse, toiles, murs, écrans, etc...), eux-mêmes inscrits dans des situations ou institutions particulères.
[p 83]

“Ce n’est pas l’image qui est polysémique, mais le spectateur”; précise Christain Metz. C’est donc l’hésitation interprétative provoquée par le manque d’assertivité de l’image que l’on appelle alors polysémie. On peut néanmoins et bien entendu relever des effets réels de polysémie accrue desn certaines images, redoublant celle liée à son caractère d’énoncé. Matz en relève six cas :
  • ceux provoqués par la détérioration de la matière signifiante de l’image : dégradations, superpositions, palimpsestes ;
  • ceux ré
  • ceux délibérément construits, comparables aux “jeux de mots” ou au double sens : c’est le cas des images cachées dans les images, des anamorphoses :
  • ceux résultant d’un manque de savoir du spectateur ;
  • ceux résulatnt d’une interprétation en profondeur d’une “œuvre” qui ne sont bien entendu pas réservés au domaine de l’image ;
  • et enfin le cas de l’image non figurative, casparticulier de l’image qui provoque un effet de polysémie particulièrement intense parce qu’elle abandonne le recours à des éléments figuratifs pour se référer àses propres éléments (couleur, forme, matière). (...)

Enfin nous remarquerons que, dans le cas des images figuratives, il faut distinguer la polysémie dénotative de la polysémie interprétative. En effet, la reconnaissance des objets du monde représentés, socio-culturellement codée (de l’esquisse à l’hyperréalisme), est souvent rapide et sans hésitations. On peuun concept comme c’est souvent le cas avec l’image publicitaire (féminité, liberté, bonheur, liberté, etc.) ? Dois-je la prendre pour une réserve de renseignements visuels sur un événement quelconque, comme l’induit l’image de reportage ? dois-je construire un univers imaginaire comme m’y invite le film de fiction ? etc.
[p 84]

Image et sens
  • aspect iconique (analogie à l’image)
  • aspect indiciaire de l’image
  • aspect symbolique (paramètres socio-culturels codés qui président nécessairement à notre interprétation)
[p 88]

Code des couleurs, code des objets, code linguistique.
Les mots (monèmes)

Il n’est plus question d’affirmer qu’il faut connaître les “codes” pour pouvoir analyser les images : pour arriver à quelquechose qui est de l’ordre de l’agencement opératoire, de l’ordre de l’organisation signifiante, il faut partiroduction et de reconnaissance qu’on ne pourra plus appeler des “codes” (...)
[p 96]

schéma du modèle de signe iconique ? [p 97]

Signes plastiques [p 102]

La plasticité des messages visuels constitue un niveau de signification à part entière qui interagît avec les autres niveaux que sont l’iconique, le linguistique et l’institutionnel pour produire un message global.
[p 104]

Signes plastiques spécifiques
Le cadre, le cadrage, la composition
[p 109 à 124]

Analyse sémiologique des messages visuels
=
sémiotique appliquée à l’image (en tant qu’objet)
=
repérer les différents types de signes

et à partir de leur organisation

développer une interprétation globale
(acceptable par un groupe d’observateur (notion collective)).

Un certain consensus re

[p 131] Comprendre comment s’élabore le discours “secret” de l’image (sémiotique spécifique) puis l’expliciter en le justifiant (sémiotique appliquée)

exemple :

photo de tomate

une tomate
(objet du monde)

la Méditerranée (ou l’Italie)
Connotation

(...) On ne peut que constater la dimension connotative de l’image. Exploitée systématiquement en publicité (la photographie [signifiant] d’un cheval [référent, signifié premier] devient le signifiant d’un signifié second [liberté, évasion, virilité, etc.], elle est toujours à l’œuvre quelle que soit l’image. C’est d’ailleurs ce processus de connotation qui fondait déjà, sans qu’on le nomme nécessairement, l’approche iconologique de l’image. L’interprétation consiste précisément à décrypter, au-delà de son aspect dénotatif, l’aspect connotatif du message visuel, son “discours secret”.
[p 136]

Le signe iconique n’est pas le seul à entrer dans la composition de l’image, il faut aussi considérer la force sémiotique des signes plastiques, ainsi que leur interaction avec les signes linguistiques et le contexte institutionnel et communicationnel d’apparition du message visuel.
[p 136]

“Ce qui caractérise le symbole, tout certain qu’il soit, c’est que son interprétation reste incertaine.” (...) il laisse le destinataire libre de le comprendre littéralement.
De façon différente, ce qui caractérise la métaphore, c’est que celle-ci n’est jamais acceptable au premier degré.
“Une métaphore ne peut être interprétée littéralement
Le mensonge de la métaphore est si flagrant (une femme n’est pas un cygne, un guerrier n’est pas un lion, un paquet de cigarette recouvert de buée n’est pas une boisson rafraîchissante) que si la métaphore était prise littéralement, le discours “s”enrayerait” parce qu’il y aurait un inexplicable “saut d’isotopie”. Il faut interpréter la métaphore en tant que figure.” (Eco)

Le symbole est différent de l’allégorie. L’allégorie est systématique dans ce sens qu’elle met en jeu des images d
[p 143]

Puis voir ‘PHOTO DE PRESSE”
SIGNE

Iconique Plastique


convergence / opposition / prédominance
Icone
° Image [ressemblance, imitation]
° Diagramme [analogie relationnelle]
° Métaphore [procédé de substitution]

Indice
° Relation contiguë, de causalité avec ce qu’il représente

Symbole
° Relation arbitraire conventionnelle

Signal
° Réaction automatique de la part du récepteur

Symptôme
° Réaction compulsive différente pour l’émetteur et pour le récepteur

Nom
° Qui élargit à une classe d’extension

Couleur

Forme

Spacialité

Texture

Bibliographie
Ernst Gombrich “l’art et l’illusion” Gallimard (biblio des sciences humaines)
Umberto Eco “le signe” Ed Labor Coll Média 1988
Umberto Eco “la production des signes” livre de poche coll essais 1992
Martine Joly “introduction à l’analyse de l’image” Nathan 128
Michel Pastoureau “dictionnaire des couleurs de notre temps, symbolique et société” Ed Bonneton 1992
Henri Alekan (Voir CDI)